Molson Coors : Longueuil va trinquer aux frais de l’agglomération

Il semblerait selon l’article de Denis Lessard publié dans La Presse de samedi dernier, avec la collaboration de Kathleen Lévesque et d’André Dubuc, que Molson Coors aurait arrêté son choix sur Longueuil pour y aménager sa nouvelle usine. L’emplacement exact serait un terrain près de l’aéroport Montréal Saint-Hubert Longueuil (« Saint-Hubert ») et de l’Agence spatiale. Selon le journaliste, on aurait expliqué que « La proximité des autoroutes a pesé lourd dans le choix de l’emplacement. ».


NDLR:  Ce billet est long. Désolé. Pour écourter votre lecture, laissez tomber le point n°3 en premier, ensuite le n°1 et enfin le n°2.   Le point n°2 est plus technique et n’est pas évident, mais c’est le plus important.  La conclusion est incontournable. Bonne lecture!


Je ne sais pas si Longueuil a gagné cette course de façon loyale quand on sait qu’elle a toujours joué la carte de l’agglo à son avantage et pour ses propres fins. À ce titre, je renvoie le lecteur à mon billet intitulé  Longueuil s’adonne à des techniques d’hameçonnage et de harponnage au détriment de l’agglomération  et celui intitulé Enfin, Longueuil respecte l’agglo  où Longueuil, après avoir été pris la main dans la jarre à biscuit, a apporté les corrections à son site.  De plus on sait que Développement économique Longueuil, bien que de compétence d’agglomération est à sa botte ne serait-ce que par sa raison sociale.

Si la venue de Molson Coors à Longueuil est une bonne nouvelle pour Longueuil, c’est une très mauvaise nouvelle pour Brossard, Boucherville et Saint-Lambert et une très très mauvaise nouvelle pour Saint-Bruno, par leur présence respective dans l’agglo. Ces quatre villes vont déguster pas à peu près si on ne change pas certaines règles de l’agglo ou si on n’est pas vigilant. Voici pourquoi :

  1. Abattement d’impôts fonciers / Crédit de taxes :

Longueuil a voté le 19 septembre dernier le Règlement CO-2017-976 établissant un crédit de taxes et d’autres mesures d’aide aux entreprises dans le cadre d’un programme particulier de développement dans la zone aéroportuaire. Ce crédit de taxe est dégressif passant de 100% à 0% en 6 ans avec un doublon de 100% les deux premières années. Il débute l’année suivant la fin des travaux. Prenons un exemple avec des chiffres (vous saviez tous que j’allais sortir des chiffres) et quelques hypothèses :

  • Valeur de l’investissement : 600 000 000$ selon La Presse;
  • Taux de taxation actuelle à Longueuil : 3$/100$ d’évaluation. On peut calculer un impôt foncier de 18M$ par année, car il est difficile de penser que le rôle foncier ne produira pas une valeur imposable bien différente du coût de l’implantation. Certes il y aura de la machinerie et de l’équipement non-imposable. Cependant, je vais me retenir et réduire ce montant à 16M$. Que ce soit 18M$, 16M$ voire 8M$, c’est la formule et ses effets qu’il faut comprendre;
  • 29 février 2020 : Date hypothétique de la fin des travaux. La mairesse et tout le gratin politique coupent le ruban, sabrent le champagne et chargent la première « caisse de 24 » sur un camion. On trinque ensemble au champagne s’il vous plaît, pas à la petite bière.

Voici selon cette résolution ce que sera l’impôt foncier de Molson Coors,calculé au prorata temporis pour celui de 2020  :

  • 2020     Abattement : 100% soit 13,3M$   Impôt : 0$
  • 2021     Abattement : 100% soit 16M$       Impôt : 0$
  • 2022     Abattement : 100% soit 16M$      Impôt : 0$
  • 2023     Abattement : 75% soit 12M$         Impôt : 4M$
  • 2024     Abattement : 50% soit 8M$          Impôt : 8M$
  • 2025     Abattement : 25% soit 4M$           Impôt : 12$
  • 2026     Abattement : 0% soit 0$                 Impôt : 16M$

Le crédit d’impôt exclusion faite de l’année 2020 (je ne veux pas exagérer et m’attirer les foudres de la nouvelle mairesse) totalise 56M$. À cela s’ajoute le rabais consenti sur le prix de la vente de terrain que je ne connais pas, mais c’est l’affaire de Longueuil. Cela n’ajoute rien à ce que je veux expliquer et pour lequel il faudra être sur ses gardes.

En soi, ce 56M$ peut vous faire grimper dans les rideaux, mais pour l’instant, ça ne me choque pas trop (hormis un fort soupçon de concurrence déloyale soulevée en introduction). Admettons-le: qui ne déroulerait pas le tapis rouge dans de telles situations? J’ai entendu que Varennes et Saint-Bruno étaient dans la course; je présume que Varennes et ma ville se fendaient en quatre pour plaire à l’acheteur et faisaient des concessions dans la négociation. Montréal était dans la course bien sûr et il y a dû y avoir pas mal des courbettes et de concessions pour garder le brasseur à Montréal.

Où il y a un problème et c’est là qu’il faudra être vigilant, c’est pour le calcul de la quote-part de Longueuil qui reviendra à l’agglomération pour son fonctionnement. Rappelons que la quote-part est le montant d’argent que chaque ville remet à Longueuil pour faire marcher l’agglo. Ainsi, l’agglo ne se finance pas par une taxe foncière spécifique qui est indiquée dans votre avis que vous recevez une fois par année en début d’année. Je sais que ça fait incestueux que Longueuil verse une quote-part à Longueuil pour faire fonctionner l’agglo, mais pour l’instant c’est comme ça hélas et ce n’est qu’un jeu d’écritures comptables pour Longueuil. Alors dans le calcul, Longueuil va fort probablement transposer la remise de taxes de 56M$ à Molson et priver l’agglomération des sommes qui lui reviennent par le calcul de la quote-part.

Mais, si Longueuil a voulu faire un cadeau à Molson Coors, c’est sa décision et l’agglomération ne doit par débourser 1¢ pour cela. L’agglomération devra réclamer son dû et encaisser sa pleine part normale sans aucun crédit, remise ou abattement. Dans mon exemple, on peut penser avec le facteur de 0,48 du potentiel fiscal que la somme en jeu est de l’ordre de 15M$. Si Longueuil fait porter à tout le monde le poids de sa décision, c’est 9M$ de plus que Brossard, Boucherville, Saint-Bruno et Saint-Lambert devront payer et départager en eux. LE VRAI PROBLÈME EST LÀ.

J’ajouterais qu’il faudra avoir à l’œil l’équipe des évaluateurs de Longueuil pour qu’il ne se traîne pas les pieds et qu’il calcule la valeur foncière de Molson Coors avant le 1er mars 2020 dans mon exemple. Ils ne sont pas très forts si on pense à leur erreur d’évaluation du Country Club Mount Bruno qui a coûté 350 000$ aux citoyens de Saint-Bruno et il ne faut pas qu’ils sous-estiment la valeur foncière de cette nouvelle propriété industrielle pour plaire à Molson Coors ou Longueuil.

  1. Consommation d’eau:

Pour brasser de la bière, ça prend des ingrédients, mais ça prend surtout de l’eau. Donc l’eau, ça compte pour faire de la bière et l’eau ça se compte également, car pour preuve, il y a des compteurs d’eau dans toutes les industries de l’agglo (si je me fie à Saint-Bruno et Brossard). Ainsi, les villes peuvent imposer les entreprises au m3 d’eau et éviter de les imposer au taux général ou de façon forfaitaire (tarification) sans égard à leur  consommation. C’est une approche d’utilisateur payeur et tout le monde est à l’aise avec ce principe. Jusque-là, il n’y a rien d’alarmant, car Molson Coors va payer à Longueuil son eau au tarif du m3.

Malheureusement, ça ne fonctionne pas comme cela dans le calcul de la quote-part. Le principe d’utilisateur payeur est complètement évacué. Grosso modo, chaque ville paie à l’agglo la moitié du coût de la production de l’eau selon leur consommation propre et l’autre moitié est calculée selon la règle du potentiel fiscal. Vous me voyez venir!

Ainsi, en attirant une industrie brassicole comme Molson Coors qui est une très grande consommatrice d’eau, Longueuil va pouvoir brasser des affaires en or. En effet, elle va facturer Molson Coors le plein coût des m3 utilisés, mais dans le calcul de la quote-part assise sur le potentiel fiscal, elle va payer à l’agglo uniquement 47% du coût. Vu sous un autre angle, chaque fois que Molson va demander un m3 d’eau de plus, Longueuil va lui faire payer le plein coût, car le compteur d’eau va tourner et additionner ce m3. De cette somme, elle va en remettre la moitié à l’agglo, mais pour l’autre moitié elle va en verser à l’agglomération 47% et empocher la différence car la formule de la quote-part va automatiquement réclamer le 53% aux quatre autres villes. Elle va faire de l’argent sur le dos de ces quatre villes et plus Molson va demander de l’eau, plus ça va coûter de l’argent à ces quatre villes. Belle machine à fric n’est-ce pas!  C’est peu dire que Longueuil va brasser des affaires en or. Il y a eu la bière Brador dans les années 80, il y a la Molson Golden aujourd’hui. Maintenant, Longueuil va certainement demander à Molson de lancer l’Agglor ou l’Aggloire car Longueuil est parti pour la gloire avec la formule de la quote-part.

Quand on dit qu’on se fait avoir pour me limiter qu’à ce mot respectueux des bonnes mœurs, il n’y a pas mieux que cet exemple pour l’illustrer.

Et comme Molson va consommer de l’eau à la tonne pour laver ses cuves et les bouteilles vides, cela va être encore pire parce que le coût du traitement des eaux usées est assis à 100% sur le potentiel fiscal. Donc, Brossard, Boucherville et Saint-Lambert vont déguster à nouveau. Saint-Bruno est épargné parce que le traitement de ses eaux usées est géré avec Saint-Basile-le-Grand par une régie autonome.

« Pour ajouter l’insulte à l’injure », l’agglo est en train de construire un réservoir d’eau sur un terrain de l’aéroport, rue Arthur-Vincent. En soi, si cela sert à conserver l’eau pour subvenir à des crises d’approvisionnement et des pointes de demande, je n’ai rien contre en soi, bien que j’aurais mes réserves dont je vous fais grâce. Mais quand dans le budget 2017 de l’agglo, Mme St-Hilaire dans le message dithyrambique de l’excellente santé financière de l’agglo, indique à propos de l’eau potable que :« Une somme de 28 M$ sera notamment investie dans l’amélioration des infrastructures de la gestion des eaux, dont l’usine Le Royer située à Saint-Lambert, alors que plus de 14 M$ seront destinés au nouveau réservoir d’eau potable desservant notamment les résidents de Saint-Bruno-de-Montarville. », elle aurait dû se garder une petite gêne à propos du notamment des résidents de Saint-Bruno quand en réalité, cela a surtout été prévu pour les parcs industriels et maintenant Molson Coors. Eh oui! Les résidants de Saint-Bruno notamment vont payer pour Molson  Coors.

 

  1. Viaduc du boulevard Clairevue et ses voies d’accès:

Rappelez-vous que « La proximité des autoroutes a pesé lourd dans le choix de l’emplacement», écrivait La Presse dans le premier paragraphe.

Question: « Par où les camions chargés à ras bord vont-ils passer pour accéder au réseau autoroutier? » Réponse: « Ce sera par le viaduc du boulevard Clairevue et les voies d’accès à l’autoroute 30 ».

Question: « Et où sont situées ces infrastructures qui vont être surutilisées par ce ballet quotidien de lourds camions? ». Réponse: « Ce n’est pas à Longueuil, mais à Saint-Bruno. »

Si Saint-Bruno s’en tire pour les frais des eaux usées indiquées ci-dessus, elle va se faire rattraper par les frais additionnels de l’entretien du viaduc du boulevard Clairevue et des voies d’accès à l’autoroute 30.

On aurait tendance à penser que ces infrastructures pourraient être de la compétence de l’agglo. Mais non! Par l’accès à l’information, j’ai demandé la liste des rues qui relèvent de l’agglo et à mon étonnement, ce tronçon n’en fait pas partie. Je suis quand même surpris, mais qu’à cela ne tienne, Longueuil m’a envoyé un fichier des rues relevant de l’agglo et Clairevue n’est pas là.

Conclusion: 

Trois dossiers à surveiller, dont le plus important sur lequel il faut demander un changement immédiat et ça urge, soit celui qui touche la tarification de l’approvisionnement en eau et de l’élimination des eaux usées. Il y a des compteurs d’eau géants aux portes de chacune des cinq villes. On connaît la consommation de chaque ville. Il est temps qu’on facture l’eau à la consommation dans sa totalité non seulement par souci d’équité, mais également pour diminuer le gaspillage de l’eau car des citoyens de certaines villes consomment beaucoup plus d’eau que d’autres sans motif valableCE N’EST PAS ET CE N’EST PLUS SOCIALEMENT ACCEPTABLE EN 2017!

Voici une statistique intéressante pour étayer ce dernier point. Les données proviennent de la ville de Longueuil. Je présente la consommation d’eau par ville en m3  qui a servi au calcul de la quote-part par ville, tel que l’a calculé la ville de Longueuil dans le budget 2017 de l’agglo.  Les chiffres sont assommants.

  • Saint-Bruno et St-Lambert consomment l’eau en proportion de leur population;
  • Boucherville  est plus élevé que Saint-Bruno et Saint-Lambert mais il ne faut pas oublier que Boucherville a toute proportion gardée un gros parc industriel.
  • Brossard est la grande championne, car elle consomme 1/3 moins d’eau que les trois précédentes en proportion de sa population. BRAVO! L’explication est évidente et d’une simplicité limpide: Brossard a des compteurs d’eau dans toutes les résidences;
  • Longueuil est le moins bon élève du groupe et de loin. C’est le cancre. En plus, son parc industriel est moins développé en proportion que celui de Saint-Bruno ou Boucherville.  Longueuil tire déjà fortement profit dans l’agglo de la règle actuelle  « 50% consommation 50% potentiel fiscal » et se fait subventionner. Alors, ne devient-il pas facile pour Longueuil de pratiquer le dumping et donner plein de cadeaux pour attirer des industries comme………. Molson Coors. 

D’ici là, je lève en cette journée mon verre de bière Molson à la santé des grands cerveaux qui ont pondu les agglomérations et à ceux notamment à Longueuil, qui les maintiennent dans un état d’asservissement à la servitude et d’inégalité entre les citoyens du Québec.

Louis Mercier,
Citoyen de Saint-Bruno-de-Montarville

4 réflexions au sujet de “Molson Coors : Longueuil va trinquer aux frais de l’agglomération”

  1. Comment faire pour guérir Québec de leur surdité ?
    Merci de nous informer, très apprécié.
    P.S. To add insult to injury= Ajouter l’insulte a la BLESSURE

    1. Bonjour Serge. Merci de me lire. Et merci de me signaler l’origine anglaise de l’expression « Ajoutez l’insulte à l’injure » . Pour moi qui ai à cœur la langue française, je fais amende honorable. En fouillant dans internet, le site « André Racicot : au cœur du français » confirme ce que vous écrivez. Voir http://andreracicot.ca/insulte-2/ . Je ne le retire pas du texte mais je l’ai mis entre guillemets. Encore merci.

  2. Louis
    Très bonne analyse intégrale qui prend en considération divers facteurs souvent négligés: qui paie quoi … directement ou indirectement !
    Dans le cas qui nous occupe et avec ta démonstration, il n’y a pas des frais indirects. La formule de financement de l’agglomération fait en sorte que les frais sont reportés directement sur les villes associés.
    Je propose que cette analyse soit portée à l’attention du Comité consultatif finances, budget et administration (CCFBA) de la ville de St-Bruno afin que ce dernier juge opportun ou non d’adresser une recommandation au Conseil municipal

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*